Utopies – opus 1

Les Italiens les « font sonner », les Espagnols les « touchent » alors que Français et Anglo-Saxons en « jouent ». Qu’ils soient alto, hautbois ou vibraphone, les instruments sont les vecteurs du langage musical, ils sont nécessaires pour matérialiser la pensée du compositeur et donc transmettre l’œuvre et l’émotion que cette dernière porte en elle. Mais connaissons-nous vraiment ces objets qui nous semblent familiers tout en restant bien mystérieux pour ceux qui ne les pratiquent pas ? Mettre en action un instrument est avant tout affaire de technique. Du jeune apprenti émettant ses premiers sons souvent insoutenables pour les oreilles adultes au virtuose se jouant des pièges tendus par les œuvres les plus complexes, l’instrumentiste est un traducteur, il donne vie aux notes écrites sur une partition et cherche le style qui se cache au-delà du texte musical. Chaque instrument a une genèse et une évolution singulière. Si le violon d’aujourd’hui est à peu près le même que celui du XVIe siècle, le piano de concert actuel ressemble peu à celui pour lequel composait Ludwig van Beethoven. Les vents ont connu une évolution constante décuplant leur virtuosité et leur puissance sonore. Quant aux percussions, famille d’instruments à la fois primitifs, extra-européens et modernes, elles ont connu un développement spectaculaire accompagnant l’émergence des langages contemporains.

Lors de cette édition du Printemps des Arts dont l’instrument sera le héros, lutheries anciennes et modernes dialogueront à travers les époques et les esthétiques les plus diverses. Les quatuors Danel et Mosaïques confronteront cordes en boyau et cordes métalliques, archets courbes et archets droits, alors que les Ambassadeurs ~ la Grande Écurie, formation historiquement informée, accompagneront clavecin et pianoforte dans des concertos de Wolfgang Amadeus Mozart et de la famille Bach.

Jean-Frédéric Neuburger, musicien protéiforme, nous donnera à entendre des œuvres à la virtuosité exacerbée. De la création du Concerto pour piano de Marc Monnet, ancien directeur du Printemps des Arts à la populaire et monumentale Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen en passant par des monuments pianistiques de Pierre Boulez (Deuxième sonate) ou de Ludwig van Beethoven (Sonate opus 111) et par un dialogue entre Niccolò Paganini (par le violoniste Tedi Papavrami) et ses transcripteurs pianistiques (Robert Schumann et Franz Liszt), c’est à un véritable marathon de touches et de marteaux frénétiques que ce pianiste exceptionnel nous invitera.

Mais le piano ne sera pas le seul vecteur de la virtuosité. La violoniste Alice Julien-Laferrière et son Ensemble Artifices nous feront voyager au sein de corpus techniquement exigeants de la fin du XVIIe siècle.

Instrument universel et essentiel, la voix ne sera pas oubliée, dès le concert d’ouverture où l’ensemble La Venexiana chantera une sélection de madrigaux de Claudio Monteverdi et Carlo Gesualdo (en alternance avec des œuvres pour deux accordéons, véritables orgues miniatures, jouées par le duo XAMP). Autre formation vocale prestigieuse, l’Ensemble Gilles Binchois viendra à nouveau en Principauté pour proposer un répertoire monodique italien du début du XIVe siècle. Dans le cadre de la célébration du 150e anniversaire de la représentation diplomatique de la Principauté de Monaco en Espagne Espagne, le festival accueillera une production des Rois Mages, opéra de chambre écrit et dirigé par Fabián Panisello, compositeur de stature internationale vivant à Madrid. Enfin, c’est à une véritable « battle » entre un ténor et un contre-ténor s’opposant dans le répertoire vivaldien que nous assisterons avec l’ensemble I Gemelli mené par le fantasque et fantastique ténor Emiliano Gonzalez Toro.


La voix parlée sera aussi à l’honneur avec l’Odyssée TransAntarctic, spectacle s’adressant à tous les publics composé par Graciane Finzi, véritable célébration de l’Antarctique, mais aussi lors d’un concert où la pianiste Claire Désert et le Quintette Moraguès proposeront des transcriptions d’Hector Berlioz qui alterneront avec des lectures de chroniques écrites par le compositeur, sélectionnées et déclamées par le dramaturge Dorian Astor.

Autre instrument dont l’éclosion est spectaculaire dans les dernières décennies, le saxophone sera à l’honneur à travers la personnalité de Vincent David, musicien célébré dans le monde entier. Instrumentiste et compositeur, il donnera à entendre son concerto Mécanique céleste avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Il offrira aussi avec le violoncelliste Éric-Maria Couturier un programme résolument contemporain à découvrir à la Collection de Voitures de S.A.S. le Prince de Monaco.

L’orgue occupera une place importante dans cette édition comme dans les précédentes. C’est Olivier Latry, véritable monument de cet instrument, titulaire à Notre-Dame de Paris, qui fera résonner la Cathédrale de Monaco dans un répertoire qui mettra en relief la diversité expressive de son instrument. Quant au jazz, il sera incarné par le pianiste franco-arménien Yessaï Karapetian qui proposera un nouveau programme réunissant une formation traditionnelle et les instruments de son pays d’origine et notamment le duduk.

Les transgressions instrumentales seront aussi célébrées. La pianiste Claudine Simon proposera la création d’un spectacle autour de la déconstruction d’un piano et de son répertoire réunissant musique, lecture de textes de Bastien Gallet et effets visuels.

Quant à l’ensemble Caravaggio, il offrira au public du festival la création d’un nouvel opus imaginé par les compositeurs et instrumentistes Benjamin de la Fuente et Samuel Sighicelli et réunissant instruments acoustiques, électroniques et déclamation. Enfin, François Salès proposera avec son hautbois acoustique et sa version électronique un savoureux spectacle tout public où il résumera la Tétralogie de Richard Wagner en une heure !

Cette édition aura pour postlude la reprise de deux des Miniatures chorégraphiées en 2005 par Jean-Christophe Maillot ainsi que la création de quatre nouveaux mouvements mettant à l’honneur quatre compositeurs majeurs de notre temps.

Une soirée indienne nous permettra de découvrir la musique envoûtante de ce pays et les sonorités inouïes des instruments traditionnels.

L’organologie, discipline au centre de cette saison, posera une infinité de questions sur la relation entre instrument et esthétique, sur l’évolution du langage musical, sur les particularismes géographiques. Illustrée par les œuvres énergiques du peintre Yves Millecamps, cette saison est un véritable tourbillon, un éloge de la vitesse et de la transcendance, du mouvement et de la trajectoire. 

Bruno Mantovani,
directeur artistique

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